Le cyclisme est une discipline à part entière
dans le triathlon. Les triathlètes accordent une grande
importance à leur matériel: il n’y a qu’à jeter un oeil
dans un parc à vélo pour se rendre compte du degré de technicité
moyen des cycles de triathlon ! Malheureusement, beaucoup estiment
que ne pas rouler sur un vélo haut de gamme est incompatible avec
la performance, alors que l’on sait clairement aujourd’hui que
c’est la position qui est primordiale, garante d’un rendement
optimal, et non la technicité du matériel.
Voici en sept étapes le parcours qu’il faut
réaliser - dans cet
ordre ! -avant de prétendre être
parfaitement posé sur sa machine. Ce sont les réglages préconisés
pour une position cycliste traditionnelle, nous verrons plus tard
le cas du triathlon.
1- Le cadre:
La première cote à déterminer est celle de
la longueur du tube de selle, mesurée de l’axe du pédalier au
croisement des axes du tube de selle et du tube horizontal. La
hauteur de l’entrejambe (en cm) multipliée par le coefficient
0,65 (méthode Genzling) est une bonne approche de cette hauteur
de cadre. Savoir qu’on privilégie un cadre plus petit que
l’inverse pour des raisons de rigidité, de maniabilité, et de
poids: on arrondira le résultat du produit au cm inférieur.
Comment mesurer l’entrejambe (EJ) ?
Sur un sol bien plat et adossé à un mur d’aplomb, pieds
nus, légèrement écartés, les talons contre le mur. Placer à
l’équerre entre les jambes un repère (une règle), monter au
maximum contre le périnée sans exagérer, et marquer au niveau
supérieur. Mesurer jusqu’au sol.
Hauteur de cadre = EJ x 0,65
2- Le réglage des cales :
Ce point d’appui mérite toute notre
attention. Tout le pédalage est influencé par le travail du
pied. La bonne position du pied est un compromis entre la force
d’appui et la vitesse d’exécution.
Selon Armel André (ergonome de renom),
l’axe de la pédale doit
passer légèrement en retrait de l’articulation du gros orteil
(4 à 5 mm en retrait). La finalité est de
placer le pied le plus près possible de l’axe du cadre pour
pouvoir exercer la plus grande force possible. Aidez-vous d’un
crayon à papier pour marquer sur la chaussure l’emplacement de
l’articulation du gros orteil puis faites jouer l’avancée de
la chaussure sur la pédale avec les cales à peine serrée.
L NB : en règle
générale, lorsqu’on règle les cales sans attention particulière,
elles sont trop en avant sur la chaussure, obligeant un pédalage
« sur la pointe du pied. »
3- La hauteur de selle:
Elle se mesure de l’axe du pédalier au
centre du dessus de la selle (au niveau du creux). La méthode
Genzling de détermination de la hauteur de selle consiste à
multiplier l’entrejambe -encore lui - par le coefficient 0,885.
C’est une position moyenne. Elle peut varier selon la souplesse
du sujet (moins on est souple et plus on baisse la position, et
vice-versa), la pointure, et le type de cales utilisées. Ainsi
Armel André préconise de retirer 5 mm à la mesure de hauteur de
selle pour les utilisateurs de cales Look, et 8 mm pour les
utilisateurs de cales Time (les pédales automatiques rapprochent
le pied de l’axe de la pédale, de manière plus marquée pour
les cales Time). Quoi
qu’il en soit, le talon doit toujours pouvoir venir se placer
plus bas que la plante des pieds lorsque la chaussure est engagée
dans la pédale.
N’oubliez pas de positionner la selle
parfaitement à l’horizontal avant tout réglage. Si le bassin
se déplace vers l’avant pendant l’exercice et pour remédier
à cela, on pourra imprimer une légère flexion de la selle en
tirant sur son bec jusqu’à l’inclinaison voulue en déformant
le chariot de la selle.
Hauteur de selle = EJ x 0,885 (+/-quelques mm)
L NB :
Les triathlètes ont tendance trop souvent à surélever leur
selle.
4- Le recul de selle:
La technique de Daniel Clément, empirique mais
toujours au goût du jour, est la suivante: assis bien en selle,
les manivelles placées à l’horizontale, pieds à plat, talons
légèrement surélevés si les chaussures sont cambrées. Faire
descendre un fil à plomb depuis l’arrière de la rotule.
Avancer ou reculer la selle de telle sorte que le fil passe - au
plus loin - par l’axe de la pédale (cales réglées!). En
principe, il s’agira bien souvent de reculer la selle au
maximum, mais on procédera à des modifications si manque de
souplesse il y a.
Ces recommandations sont en contradiction avec
le réglage type triathlète, comme nous le verrons plus loin.
5- La longueur des manivelles:
Il n’y a pas de règles vraiment établies .
Savoir tout de même qu’à puissance égale, de longues
manivelles permettent une économie du travail musculaire. La
longueur de ce composant est fonction du rapport entre la longueur
du fémur et du tibia : plus il est grand, plus on adoptera
de longues manivelles. Toutefois, les avis d’Armel André et du
Pr. Dal Monte convergent pour estimer que la longueur des
manivelles dépend en grande partie de la souplesse de pédalage
du sujet: plus on est apte à pédaler en souplesse, et donc en vélocité,
plus on va tendre à choisir des manivelles plus grandes. Des
manivelles courtes facilitent la vélocité : le coureur
cycliste professionnel italien Mario Cippolini, mesurant plus
d’un mètre quatre-vingt-dix, dispose de manivelles de 170mm,
alors qu’on aurait jugé avantageux de l’en munir de 180mm,
mais le sprint exige de la vélocité (il argumente en outre que
cela lui permet de pédaler dans les virages, eh oui !).
Quant à l’incidence d’un changement de
longueur de manivelle sur l’aspect biomécanique du genou, voilà
l’avis d’Armel André: « Passer
de manivelles de 170 à 180 mm n’engendre aucune variation
d’amplitude articulaire du genou. En fait, c’est surtout la
cheville qui absorbe la variation. »
Imposez-vous des séances de travail de vélocité si vous
souhaitez franchir le pas, l’idéal restant de pouvoir tester
toutes les longueurs possibles !
6- La potence:
La première mesure de la longueur
de la potence peut être déterminée en
multipliant la hauteur du cadre (en mm) par 0,214 pour des cadres
d’une hauteur inférieure à 550 mm, et 0,216 pour les cadres
hauts de 550 à 590 mm (arrondir au demi-cm près). Puis procéder
comme suit : bien calé sur la selle, les mains dans le creux du
cintre (en bas du guidon), les coudes légèrement fléchis: les
genoux doivent venir effleurer les coudes lors du pédalage
lorsque les manivelles sont dans l’axe du tube diagonal.
Si les genoux sont à plus de 5 cm des coudes, la potence est trop
longue. Si les genoux « entrent franchement dans les coudes »,
la potence est trop courte.
La différence de hauteur entre la selle et la
potence varie entre 3 et 10 cm .
L NB : en général,
les triathlètes ne mettent que très rarement les mains en bas de
leur guidon, parce que « ça fait mal au dos. »
Normal, au début, ça fait toujours mal : imposez-vous des séances
les mains en bas du guidon pour travailler la souplesse dorsale et
lombaire, en même temps
que vous travaillez la vélocité, par exemple: voilà une séance
intéressante et efficace à intégrer dans la préparation
hivernale.
7- Le cintre:
En principe, il est d’une largeur
proportionnelle à celle des épaules (40 à 44 cm de large).
Toutefois, certains préféreront un cintre plus large ou plus étroit,
selon leur goût. Réglez
l’axe d’appui inférieur du cintre proche de la
perpendiculaire par rapport à la douille de direction du cycle
pour plus de confort et de maniabilité.
L NB : les
triathlètes ont la fâcheuse tendance à régler les cocottes de
frein à l’horizontale. Ce réglage casse les poignets vers
l’avant ce qui entraîne une sollicitation supplémentaire des
muscles des bras, fatigue dont on se débarrassera en préférant
un réglage « shopper » des dites cocottes. Observez
le pli du poignet : il ne doit pas y en avoir, justement ( !!),
alors remontez les cocottes jusqu’à le faire disparaître.
Conclusion:
A vos clés ! Ne perdez pas de l’esprit que
tout doit rester une affaire de sensation, et que le confort est
quelque chose de subjectif, propre à chacun. La position idéale
ne sera déterminée qu’à tâtons, au mm près: soyez patients
! N’hésitez pas à vérifier et modifier vos réglages, changer
vos cotes actuelles. Faites-vous aider pour les réglages délicats.
Passons à présent à ce qui nous touche plus particulièrement,
la position du triathlète.
Si vous êtes franchement mal foutu ou si vous
êtes perfectionniste, la solution idéale est l’étude
posturale, qui définit la position optimale en fonction de votre
anatomie. Il existe plusieurs solutions : kiné du sport,
mesures Bioracer, Ergomotion…
Quelques contacts :
- Clinique Les Presles, 25 rue du
Commandant Louis Bouchet - 93800 Epinay sur Seine,
Tél. : 01 49 40 23 00
- Bioracer : les revendeurs
Cannondale et Giant propose cette étude posturale.
- Etude Ergomotion : cycles
Gir's, 14 rue de Berval, 95810 Grisy les Platres, tél. : 01
34 66 69 46. www.girs.fr
L Touchons
du doigt là où ça fait mal : la position du triathlète…
Au départ, il y a un responsable: le guidon -
ou rajout - de triathlète. Alors que celui-ci doit apporter
confort et/ou aérodynamisme selon l’utilisation que l’on en désire,
il a modifié rapidement la position traditionnelle du cycliste
coursier, remettant en cause les réglages présentés ci-dessus.
Écoutons à ce propos le point de vue d’Armel André:
« La
spécificité du triathlon n’implique en rien des réglages et
une position différente du cycliste sur le vélo. Aux débuts de
cette discipline sont apparus des éléments nouveaux tels que les
guidons de triathlètes. Ces guidons, une fois fixés sur le
cintre du vélo, se situaient hors de la zone d’atteinte des
mains. On a donc assisté à des changements de position,
l’homme s’adaptant dans ce cas de figure à sa machine, et non
l’inverse. Pour ce faire, le corps s’est déplacé
vers l’avant en même temps que le point d’ancrage de la selle
se rapprochait de l’axe du pédalier. Mais en procédant de la
sorte, les triathlètes se sont trompés. Cette manière de pédaler
a amené une détérioration physiologique et aérodynamique. »
Aujourd’hui, fort heureusement, on observe un
changement de comportement. Les positions se rapprochent de celle
des purs cyclistes. Mais la position idéale pour le triathlète
est difficile à apprivoiser. Ceux qui recherchent une position aérodynamique
vont baisser énormément la potence. L’utilisation d’une
potence de longueur telle qu’elle est recommandée dans les réglages
classiques s’avérant alors inappropriée. Le cintre se retrouve
exagérément loin, d’où une position de selle très en avant
pour retrouver un peu de confort. Une des solutions consiste à
monter une potence courte afin de garder une position bien en
retrait de l’axe de pédalier (rendement amélioré), plus
confortable (car moins allongé), et aérodynamique (dos plat).
La solution la plus simple, dans un premier
temps, est de régler votre vélo
de manière intermédiaire entre position classique et position
radicale du triathlète, de façon à obtenir une position
polyvalente. La selle sera avancée de 1 à 2 cm par rapport à la
position classique (l’achat d’une selle longue est intéressant
car elle permet un déplacement du bassin de plus grande amplitude
sans trop modifier le réglage de la selle elle-même), la potence
plus courte de 1 à 2 cm par rapport à la longueur classique, et
placée la plus basse possible. Ainsi en ascension le fessier se
retrouve complètement à l’arrière de la selle, éventuellement
légèrement dépassant, et sur les parcours plats c’est sur le
bec de selle que le pédalage sera réalisé.
Compliqué tout çà ! Pas d’énervements:
vous vous y retrouverez au fur et à mesure, à force d’expériences
et de métier ! Réglez aussi en fonction de votre potentiel: plutôt
grimpeur (avancé) ou rouleur (reculé).
Dernière chose : lorsqu’on modifie
radicalement sa position, on modifie également la façon dont les
muscles sont sollicités. Il faut s’attendre à ressentir des
douleurs lombaires et cervicales, qui devraient s’estomper au
bout de quelques heures de selle. Cela peut durer jusqu’à deux
mois, soyez patient ! Si cela persiste, demandez conseil.
Bonne route !
Chris Boardman (Grande Bretagne)
en pleine action.
Contre la Montre du Centenaire des JO, Atlanta, 1996.
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